
La formation professionnelle joue un rôle crucial dans le développement des compétences et l'évolution des carrières. En France, un cadre juridique strict encadre les droits des salariés et les obligations des employeurs en matière de formation. Ce système complexe vise à garantir l'adaptation constante des travailleurs aux évolutions du marché du travail, tout en assurant leur sécurité et leur bien-être. Comprendre ces dispositifs est essentiel pour les employeurs comme pour les salariés, afin de tirer pleinement parti des opportunités offertes par la formation professionnelle.
Cadre juridique des formations obligatoires en france
Le cadre légal des formations obligatoires en France repose sur plusieurs piliers fondamentaux. Le Code du travail définit les principes généraux et les obligations des employeurs en matière de formation professionnelle. L'article L6321-1 stipule que l'employeur doit assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a apporté des modifications importantes à ce cadre. Elle a notamment renforcé les droits individuels des salariés en matière de formation et a redéfini les modalités de financement de la formation professionnelle. Cette réforme vise à rendre les salariés plus acteurs de leur parcours professionnel.
Les accords de branche et les conventions collectives peuvent également prévoir des dispositions spécifiques en matière de formation obligatoire, adaptées aux particularités de chaque secteur d'activité. Il est donc essentiel pour les employeurs de bien connaître les textes applicables à leur domaine.
La formation professionnelle n'est pas seulement un droit pour les salariés, c'est aussi un investissement pour l'avenir de l'entreprise et de l'économie dans son ensemble.
Types de formations obligatoires pour les salariés
Les formations obligatoires couvrent un large éventail de domaines, allant de la sécurité au travail à la lutte contre les discriminations. Voici les principales catégories de formations que les employeurs doivent impérativement proposer à leurs salariés.
Formation à la sécurité (article L4141-2 du code du travail)
La formation à la sécurité est une obligation fondamentale pour tout employeur. L'article L4141-2 du Code du travail précise que l'employeur doit organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité pour les salariés qu'il embauche, ceux qui changent de poste ou de technique, les travailleurs temporaires, et dans certains cas, ceux qui reprennent leur activité après un arrêt de travail prolongé.
Cette formation doit être adaptée aux risques spécifiques de l'entreprise et du poste de travail. Elle peut inclure des aspects tels que la prévention des risques professionnels, les gestes et postures, l'utilisation des équipements de protection individuelle, ou encore les procédures d'urgence en cas d'accident.
Formation au harcèlement sexuel (loi avenir professionnel 2018)
La loi Avenir professionnel de 2018 a introduit l'obligation pour les entreprises de former leurs salariés à la prévention du harcèlement sexuel et des agissements sexistes. Cette formation doit être proposée à l'ensemble du personnel, mais elle est particulièrement importante pour les managers et les responsables des ressources humaines.
Le contenu de cette formation doit permettre aux salariés d'identifier les situations de harcèlement sexuel, de connaître les procédures de signalement et les sanctions encourues, ainsi que les ressources disponibles pour les victimes. L'objectif est de créer un environnement de travail respectueux et sûr pour tous.
Formation continue des professions réglementées
Certaines professions réglementées sont soumises à des obligations spécifiques de formation continue. C'est notamment le cas des avocats, des médecins, des experts-comptables ou encore des agents immobiliers. Ces professionnels doivent suivre un nombre minimum d'heures de formation chaque année pour maintenir leur habilitation à exercer.
Les modalités de ces formations sont généralement définies par les ordres professionnels ou les autorités de tutelle. Elles visent à garantir la mise à jour régulière des connaissances et des compétences dans des domaines où les enjeux de responsabilité sont importants.
Formations spécifiques aux secteurs à risques (BTP, industrie)
Dans les secteurs d'activité présentant des risques particuliers, comme le bâtiment et les travaux publics (BTP) ou l'industrie, des formations spécifiques sont obligatoires. Ces formations portent sur la prévention des risques liés à l'activité, l'utilisation des équipements de protection, ou encore les procédures de sécurité propres à chaque métier.
Par exemple, dans le BTP, les salariés doivent suivre des formations sur le travail en hauteur, l'utilisation des échafaudages, ou encore la prévention des risques électriques. Dans l'industrie, des formations sur la manipulation des produits chimiques ou l'utilisation des machines dangereuses peuvent être requises.
La formation dans les secteurs à risques n'est pas une simple formalité, c'est une question de vie ou de mort. Elle doit être prise avec le plus grand sérieux par les employeurs et les salariés.
Droits et devoirs des employeurs concernant la formation
Les employeurs ont des responsabilités importantes en matière de formation professionnelle. Ils doivent non seulement respecter leurs obligations légales, mais aussi veiller à ce que la formation soit un véritable levier de développement pour leur entreprise et leurs salariés.
Obligation de financement du plan de développement des compétences
Depuis la réforme de 2018, les entreprises doivent financer un plan de développement des compétences pour leurs salariés. Ce plan remplace l'ancien plan de formation et doit inclure l'ensemble des actions de formation, de bilan de compétences et de validation des acquis de l'expérience (VAE) prévues par l'employeur pour ses salariés.
Le financement de ce plan se fait via une contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance, dont le taux varie selon la taille de l'entreprise. Les entreprises de moins de 11 salariés versent 0,55% de leur masse salariale, tandis que celles de 11 salariés et plus versent 1%.
Mise en place du compte personnel de formation (CPF)
Les employeurs doivent faciliter l'utilisation du Compte Personnel de Formation (CPF) par leurs salariés. Bien que le CPF soit un dispositif individuel, l'employeur peut l'abonder pour permettre à ses salariés de suivre des formations plus longues ou plus coûteuses.
L'employeur doit informer ses salariés sur l'existence du CPF et les modalités de son utilisation. Il peut également proposer des formations éligibles au CPF dans le cadre du plan de développement des compétences de l'entreprise.
Entretien professionnel biennal obligatoire
L'employeur a l'obligation d'organiser un entretien professionnel avec chaque salarié tous les deux ans. Cet entretien est consacré aux perspectives d'évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Il ne s'agit pas d'un entretien d'évaluation, mais d'un moment d'échange sur les projets et les besoins en formation du salarié.
Tous les six ans, l'entretien professionnel doit faire l'objet d'un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. À cette occasion, l'employeur doit vérifier que le salarié a bien bénéficié des entretiens professionnels prévus et d'au moins une action de formation non obligatoire.
Sanctions en cas de non-respect des obligations de formation
Le non-respect des obligations en matière de formation peut entraîner des sanctions pour l'employeur. Ces sanctions peuvent être financières, comme l'abondement correctif du CPF du salarié en cas de manquement à l'obligation d'entretien professionnel, mais aussi pénales en cas de violation grave des règles de sécurité.
De plus, en cas d'accident du travail, la responsabilité de l'employeur peut être engagée s'il est prouvé qu'il n'a pas respecté ses obligations de formation à la sécurité. Il est donc crucial pour les employeurs de prendre ces obligations au sérieux et de mettre en place un suivi rigoureux des actions de formation.
Droits des salariés en matière de formation professionnelle
Les salariés disposent de nombreux droits en matière de formation professionnelle. Ces droits visent à leur permettre de développer leurs compétences tout au long de leur carrière et de s'adapter aux évolutions de leur métier et du marché du travail.
Accès au compte personnel de formation (CPF)
Le Compte Personnel de Formation (CPF) est un dispositif clé du système de formation professionnelle français. Chaque salarié dispose d'un CPF alimenté en euros chaque année, qu'il peut utiliser pour financer des formations certifiantes ou qualifiantes de son choix.
Le CPF peut être utilisé avec ou sans l'accord de l'employeur, selon que la formation se déroule pendant ou en dehors du temps de travail. Les salariés peuvent consulter leur solde CPF et les formations éligibles sur le site moncompteformation.gouv.fr
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Congé individuel de formation (CIF) et ses évolutions
Le Congé Individuel de Formation (CIF) a été remplacé par le projet de transition professionnelle, également appelé CPF de transition. Ce dispositif permet aux salariés de suivre une formation longue en vue d'une reconversion professionnelle, tout en bénéficiant du maintien de leur rémunération.
Pour en bénéficier, le salarié doit justifier d'une certaine ancienneté et obtenir l'autorisation d'une commission paritaire interprofessionnelle régionale. Ce dispositif est particulièrement utile pour les salariés souhaitant changer radicalement de métier ou de secteur d'activité.
Validation des acquis de l'expérience (VAE)
La Validation des Acquis de l'Expérience (VAE) permet à tout salarié de faire reconnaître son expérience professionnelle par l'obtention d'un diplôme, d'un titre ou d'un certificat de qualification professionnelle. Pour y accéder, le salarié doit justifier d'au moins un an d'expérience en rapport direct avec la certification visée.
La VAE peut être financée par le CPF ou par l'employeur dans le cadre du plan de développement des compétences. Elle représente une opportunité pour les salariés de valoriser leurs compétences acquises sur le terrain et d'obtenir une reconnaissance officielle de leur expertise.
Bilan de compétences
Le bilan de compétences est un dispositif permettant aux salariés d'analyser leurs compétences professionnelles et personnelles, leurs aptitudes et leurs motivations. Il peut être réalisé à l'initiative du salarié ou de l'employeur, avec l'accord du salarié.
D'une durée maximale de 24 heures, le bilan de compétences peut être financé par le CPF ou par l'employeur. Il est réalisé par un organisme prestataire extérieur à l'entreprise et ses résultats sont confidentiels. Le bilan de compétences est un outil précieux pour définir un projet professionnel ou un projet de formation.
Rôle des organismes paritaires dans la formation professionnelle
Les organismes paritaires jouent un rôle central dans le système de formation professionnelle français. Ils assurent la collecte et la gestion des fonds de la formation professionnelle, ainsi que l'accompagnement des entreprises et des salariés dans leurs démarches de formation.
Les Opérateurs de Compétences (OPCO) sont les principaux acteurs de ce système. Créés par la loi de 2018, ils remplacent les anciens Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA). Chaque OPCO est spécialisé dans un ou plusieurs secteurs d'activité et a pour missions :
- D'accompagner les branches professionnelles dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)
- De financer les contrats d'apprentissage et de professionnalisation
- D'apporter un appui technique aux branches pour la définition des certifications professionnelles
- De promouvoir les formations en alternance auprès des entreprises
- D'accompagner les PME dans la définition de leurs besoins en formation
Les Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales (CPIR), également appelées Transitions Pro, sont chargées de la gestion du CPF de transition professionnelle. Elles examinent les demandes de financement des salariés et assurent le suivi de leur mise en œuvre.
Ces organismes paritaires, gérés conjointement par les représentants des employeurs et des salariés, garantissent une gouvernance équilibrée du système de formation professionnelle. Leur rôle est essentiel pour assurer l'adéquation entre les besoins des entreprises et les aspirations des salariés en matière de formation.
Évolutions récentes du cadre légal des formations obligatoires
Le cadre légal des formations obligatoires a connu plusieurs évolutions significatives ces dernières années, visant à répondre aux nouveaux enjeux du monde du travail et à simplifier le système de formation professionnelle.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a introduit des changements majeurs, notamment :
- La monétisation du CPF, désormais crédité en euros et non plus en heures
- La création des OPCO en remplacement des OPCA
- Le renforcement des obligations en matière de formation à la lutte contre les discriminations et le harcèlement
- La simplification de l'accès à la VAE
- La réforme
Plus récemment, la crise sanitaire liée au Covid-19 a conduit à de nouvelles adaptations du cadre légal des formations obligatoires. Le gouvernement a notamment encouragé le recours à la formation à distance et a assoupli certaines règles pour faciliter le maintien des actions de formation pendant les périodes de confinement.
Par ailleurs, de nouvelles obligations de formation ont émergé pour répondre aux enjeux sociétaux actuels. On peut citer par exemple :
- L'obligation de former les salariés aux enjeux de la transition écologique, introduite par la loi Climat et Résilience de 2021
- Le renforcement des formations à la cybersécurité, devenu crucial avec l'accélération de la transformation numérique des entreprises
Ces évolutions témoignent de la volonté des pouvoirs publics d'adapter en permanence le système de formation professionnelle aux besoins du marché du travail et aux défis sociétaux. Elles soulignent également l'importance croissante accordée à la formation tout au long de la vie comme levier de compétitivité et d'adaptation aux mutations économiques et technologiques.
La formation professionnelle est un domaine en constante évolution. Employeurs et salariés doivent rester informés des changements législatifs pour tirer pleinement parti des opportunités offertes par le système de formation.
En conclusion, le cadre juridique des formations obligatoires en France offre un équilibre entre les droits des salariés et les obligations des employeurs. Il vise à promouvoir le développement continu des compétences, facteur clé de l'employabilité et de la performance économique. Dans un contexte de mutations rapides du monde du travail, la formation professionnelle s'affirme plus que jamais comme un investissement stratégique pour les individus comme pour les entreprises.
Employeurs et salariés ont tout intérêt à s'approprier pleinement les dispositifs existants et à rester attentifs aux évolutions du cadre légal. En faisant de la formation un pilier de leur stratégie de développement, ils pourront mieux anticiper les transformations à venir et s'adapter aux défis du futur monde du travail.